- Accueil
- Offres d'emploi
- Candidats
- Recruteurs
- Conseils
- Bilan de compétences
- Soft skills
- Life skills
- Curriculum Vitae
- Recettes de base
- Quelle forme choisir?
- A faire figurer au menu de votre CV
- Intégrer ses soft skills
- Valoriser ses soft skills
- Votre CV a-t-il une faiblesse?
- Mentir ou enjoliver son CV
- Les annexes du CV
- En bref
- CV les 10 questions les plus posées
- 10 trucs pour un CV maigrichon
- 10 trucs pour un CV trop volumineux
- Modèles de CV
- CV du point de vue du recruteur
- Niveaux de langues
- Lettre de motivation
- Candidature online
- Entretien
- Comment se préparer
- Comment réussir
- Questions type des recruteurs
- Soft skills: démontrez-les lors de l'entretien
- 10 attitudes agaçantes
- 10 phrases maladroites
- Règles d'or
- Le mail de motivation post-entretien
- Choisir vos références
- La négociation de salaire
- Entretien d'embauche via Skype
- L'entretien d'information
- Transformez vos points faibles en atouts
- Réseau
- Réseaux online
- Forums
- Forum virtuel de recrutement
- Certificat de travail
- La vie en entreprise
- Success & Career
Génération Y, flexibilité et agilité
Article paru dans la 18e édition du guide de carrière Career Starter, 2014.
Génération Y, flexibilité et agilité
Par Frédéric Kohler,
Directeur de l’Institut Supérieur de Formation Bancaire (ISFB),
Président de la HES Kalaidos (Romandie) – Banque et Finance
On a souvent présenté la génération Y comme la génération zapping, celle du tout tout-de-suite et du tout en même temps. Est-ce à dire que les jeunes qui la composent disposeraient d’un cerveau différent, multitâche et agile, les rendant plus flexibles et plus aptes que leurs aînés à gérer le changement ? Supporteraient-ils plus facilement les nouvelles contraintes et l’instabilité de nos environnements en crise ? Il pourrait s’avérer dangereux pour les décideurs en place de prendre leurs désirs pour des réalités !
Jeunes roublards
Je me souviens d’une conférence en 2005 sur la diversité générationnelle. On n’y parlait pas de X ou de Y mais de « cocos », « bobos », « momos » et « yoyos ». Les intervenants étaient évidemment tous des bobos (bourgeois bohèmes) et aucun yoyo (young yobbos) n’était dans la salle. J’avais été assez séduit par ce modèle proposé par le sociologue Jean–Luc Excousseau, même si celui-ci est discutable et fortement contredit aujourd’hui. Mais j’avais surtout été choqué par le choix des mots. En effet, si la notion de bourgeois bohème est relativement sympathique, la génération Y, elle, se voyait affublée de la dénomination condescendante et négative de « jeunes roublards ». La jeunesse est généralement perçue comme une faiblesse par les DRH et la roublardise rarement comme une qualité, le Larousse définissant ainsi le roublard : « capable d’user de moyens habiles sinon peu délicats pour défendre ses intérêts ». De plus, la symbolique du yoyo – objet à la fois inconstant, en perpétuel mouvement tout en restant captif – m’avait passablement dérangé (pour ne pas dire plus).
Flexibilité… vous avez dit flexibilité ?
Bien que la ficelle du yoyo n’ait rien de commun avec l’élastique du jokari, les chantres de l’ultralibéralisme ont tenté depuis une quinzaine d’années de persuader cette génération que son salut passait par sa flexibilité et que son tour viendrait.
En l’espèce, la Grande-Bretagne détient la palme en étant en passe de généraliser le contrat de travail zéro-heure, ce contrat à durée indéterminée, ou pour être plus précis à horaires indéterminés. Ainsi, le prix de la timide reprise économique anglaise serait-il payé par les jeunes Y qui n’ont d’autre choix que d’accepter ces deals bien malhonnêtes, car en échange d’une souplesse de roseau, les jeunes sont souvent payés au salaire minimum sans aucun espoir d’évolution. En août 2013, le gouvernement les estime à plus de 250’000, soit une augmentation de plus de 25% sur 12 mois, les syndicats anglais parlant, eux, de plus d’un million de contrats.
La « florissante » Allemagne est à son tour menacée par l’explosion du nombre de ces travailleurs flexibles. 6,1 millions de personnes vivent avec moins de 450 euros par mois via des emplois assistés à un euro de l’heure! En 2013, près de 3 millions d’Allemands cumulent deux jobs pour boucler les fins de mois (+100% en dix ans). Ainsi, le plus souvent, la flexibilité ne se traduit pas par le dynamisme économique pour tous mais par la précarité et la paupérisation organisées, celles-ci touchant prioritairement les jeunes.
La France, elle non plus, ne saurait donner de leçon en la matière. En ayant institué de facto et depuis fort longtemps les stages « obligatoires » non rémunérés à tous les jeunes diplômés, elle a franchi un pas de plus dans le transfert de charges de la génération installée vers celle des yoyos. Pourquoi payer ce que je peux avoir gratuitement ?
Que dire enfin de l’Espagne où 50% des jeunes diplômés sont sans emploi et où la fortune des 5% des plus riches n’a pas diminué en sept années de crise.
C’est toute la classe dirigeante de l’Europe qui tente de faire croire que la flexibilité de l’emploi est la panacée à la crise. Mais il est assez cocasse de noter que ce sont les mêmes qui défendent la précarité du travail au nom de la performance économique et qui exigent pour eux-mêmes des parachutes dorés lors de la signature de leur contrat de travail. Flexibilité d’accord… mais pour les autres.
Roseaux oui, mais des roseaux pensants !
Cette (extrême) flexibilité exigée des nouvelles générations européennes entrant sur le marché du travail s’est bien souvent révélée être un leurre ayant pour unique objectif le maintien des avantages acquis des bobos. Et ce mensonge est venu s’ajouter à bien d’autres : celui des dettes publiques colossales, des caisses de retraites déficitaires, d’une pollution irréversible, de l’épuisement des ressources naturelles… autant de systèmes de Ponzi ou seuls les bobos, premiers joueurs de ce système pyramidal, auront été les gagnants.
Les yoyos l’ont bien compris qui n’accordent désormais qu’une confiance « très limitée » (voire une totale défiance) à leurs aînés. En effet, ils ont pris conscience que, pour la première fois en dehors des périodes de guerre ou de cataclysme naturel, leur génération va disposer d’un niveau et d’une qualité de vie inférieurs à la génération qui les précède. Ce fait unique dans le monde occidental aura forcément des conséquences sur les rapports sociaux et dans les relations de travail. Les bobos, dont je fais partie, en portent la responsabilité et doivent s’attendre à bientôt devoir en supporter les conséquences.
Agilité et opportunisme
Charles Darwin disait que seuls les espèces les plus agiles survivaient en cas de modification de l’environnement, pas les plus fortes, ni les plus intelligentes. Le changement de paradigme actuel est à mon sens brutal et massif ; il va l’être encore davantage dans les années qui viennent et il sera nécessaire de disposer d’une sacrée dose d’agilité pour s’y adapter. Pour autant, il est à peu près certain que la génération Y sera mieux armée que la mienne pour y faire face. La flexibilité que nous avons tenté de lui imposer n’en a pas fait des résignés, mais des indignés agiles.
En se libérant de la frustration que nous avons voulu leur imposer au nom de la crise économique, en transformant positivement la flexibilité passive en une agilité active, les yoyos sont devenus opportunistes et n’hésitent plus à remettre en cause nos modèles et nos valeurs. Ce que nous avons défini un peu vite comme de la roublardise n’est en fait qu’un mix entre l’instinct de survie et la volonté de changer les règles d’un jeu qui ne leur convient pas et dont ils refusent de supporter plus longtemps les effets négatifs.
Je me souviens d’un brillant jeune diplômé que j’avais embauché dans le cadre du plan de relève de la banque où je travaillais en 2006. Il avait intégré l’équipe Ultra-high et faisait jalouser bon nombre de ses collègues. Je l’ai recroisé sur Linkedin ces jours-ci : il travaille pour MSF en Afrique de l’ouest comme logisticien, pour un salaire huit fois moindre que celui qu’il avait à Genève !
J’ai une fille qui termine son Master Finance à HEC et qui ne rêve plus que d’aller compter les pingouins en Antarctique pour le compte d’une ONG écologique ! Si demain, on lui propose de partir bénévolement en Terre Adélie avec le WWF, je sais qu’elle saisira cette opportunité sans calcul, et tous mes repères personnels en matière de carrière, de gestion rationnelle du risque ou d’investissement, s’en trouveront bouleversés.
En Espagne, c’est toute une génération qui est en train de transformer les règles du jeu à travers le mouvement des indignés et une émigration sans précédent depuis la période franquiste.
On peut ne pas comprendre les choix et les comportements de cette nouvelle génération qui s’apprête à nous remplacer aux commandes. Mais ce qui est certain, c’est qu’elle sera beaucoup mieux armée que la nôtre pour conduire les bouleversements drastiques qui nous attendent dans de nombreux domaines car sa principale caractéristique est désormais l’agilité, condition sine qua non pour inventer demain.
Ma génération ne peut être très fière du présent qu’elle a construit pour ses enfants. à trop longtemps les avoir exclus de la cogestion de notre monde, ceux-ci risquent d’en inventer un nouveau où il y aura peu de place pour les bobos. Et c’est finalement tant mieux, car« lorsque que l’on veut traiter les problèmes d’aujourd’hui avec les solutions d’hier, on se prépare aux ennuis de demain ».